Épidémiosurveillance de la FVR au Sénégal (Dr Sall - DIREL)
Introduction Au Sénégal, un programme de surveillance de l’activité du virus de la fièvre de la vallée du Rift (FVR) comportant un suivi clinique et un suivi sérologique des animaux vivant dans les zones à risque (vallées du fleuve et du Ferlo) a été mis en œuvre dès la fin de l’épizootie de 1987 par la Direction de l’élevage et l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA).
Deux programmes sont venus récemment renforcer les activités de ce réseau, à savoir:
Le Programme de coopération technique de la FAO, intitulé “Mise en place d’un système de surveillance et de contrôle de la fièvre de la vallée du Rift et des autres maladies transfrontalières”, qui a démarré en 2000 avec l’établissement d’un réseau de troupeaux sentinelles et d’une base de données sur la FVR, et la mise en œuvre d’un essai vaccinal aux fins de disposer à terme d’un système d’alerte précoce et de réaction rapide.
Le projet EMERCASE qui vient de démarrer et qui propose la mise en place d’un système d’information permettant une alerte précoce par le recueil, l’analyse et la valorisation des données en temps réel et par la création d’un modèle de prédiction de l’occurrence de la FVR à l’aide des indices environnementaux issus d’observations satellitaires.
Rappelons que la surveillance de la FVR s’inscrit dans le cadre plus global du Système national de surveillance épidémiologique des maladies animales au Sénégal (SNSE) appuyé par le Projet panafricain de lutte contre les épizooties (PACE).
Objectifs
L’objectif est de disposer d’un système d’alerte précoce et de réaction rapide vis-à-vis de la FVR.
Méthodologie
La méthodologie utilisée repose essentiellement sur le suivi clinique (recherche de signes cliniques majeurs: avortements et mortalité de jeunes) et sérologique (recherches d’anticorps spécifiques de la FVR) d’animaux vivant dans les zones à risque grâce à un réseau de troupeaux sentinelles.
Des études complémentaires, dont les résultats ne seront pas présentés ici, ont été réalisées sur les moustiques vecteurs et les rongeurs réservoirs potentiels du virus par les chercheurs de l’Institut Pasteur de Dakar et l’Institut de recherche pour le développement.
Dès 1988, dix troupeaux constitués de bovins et de petits ruminants, répartis entre les départements de Dagana, Podor et Matam, ont fait l’objet d’un suivi clinique et sérologique. Les animaux identifiés par des boucles auriculaires sont saignés une fois par an. Ces animaux vivent à proximité des périmètres irrigués ou des marigots, gîtes possibles de moustiques.
A partir de 1992, quatre troupeaux de petits ruminants de la zone de Barkédji ont fait l’objet de suivi clinique et sérologique tous les deux mois. Quarante femelles identifiées par des boucles ont été choisies par troupeau. Il s’agissait d’animaux vivant près des mares temporaires, points de pullulation des moustiques.
A partir de 2000, avec le démarrage du PCT de la FAO, un réseau de 12 troupeaux sentinelles de petits ruminants a été mis en place, dans le delta et la vallée du fleuve, la vallée du Ferlo, le Ferlo et le sud du pays. Six passages ont été effectués de mai à novembre 2000. En dehors du suivi clinique, des prélèvements mensuels de sang sont faits sur 30 sujets par troupeau pour le suivi sérologique.
La plupart des sites (huit troupeaux sentinelles) sont concentrés au niveau du delta et de la vallée du fleuve en raison de l’épidémiologie de la maladie (fleuve, périmètres irrigués, zones inondables, localisation des premiers foyers dans la sous-région).
Deux troupeaux sentinelles ont été choisis au niveau de la vallée du Ferlo et dans le Ferlo, compte tenu des changements écologiques intervenus dans la zone (mise en eau des vallées fossiles) et de la localisation du dernier foyer recensé au Sénégal (Ranérou, novembre 1999).
Les aménagements hydrologiques (barrage de Niandouba, extension des zones de cultures irriguées) réalisés récemment dans le bassin de l’Anambé, et les foyers d’avortement notés à Kounkané entre août et octobre 1999, ont motivé le choix de deux sites de troupeaux sentinelles dans la région de Kolda.
Le projet EMERCASE est venu récemment (2001) renforcer les capacités de ce réseau par la fourniture de matériel électronique (PC et Palm pilot, et serveur) et d’un logiciel permettant de mettre en réseau la Direction de l’élevage, les inspections régionales de Saint-Louis, Louga et Tambacounada, les inspections départementales de Dagana, Podor, Matam, Louga, Linguère et Bakel et les postes vétérinaires de Mpal, Ross-Béthio, Thillé Boubacar, Ndioum, Barkédji, Ranérou, Diawara et Kidira. Ce dispositif devrait assurer à terme une circulation plus fluide de l’information zoosanitaire.
Résultats obtenus
Existence d’une période de silence post-épizootique de 1988 à 1992.
De 1988 à 1992, le suivi a permis de montrer une baisse progressive de la séropositivité générale en anticorps neutralisants. En effet, cette dernière va de 24.4% (N= 303) en 1988 à 4% (N=274) en 1992. Cette diminution de l’immunité naturelle vis-à-vis du virus de la FVR est associée à une absence de cas cliniques (avortements en masse, forte mortalité des jeunes animaux) de FVR chez les animaux domestiques de la vallée du fleuve Sénégal, rive gauche. Il faut souligner que la première épizootie de 1987 avait provoqué une séropositivité importante (supérieure à 80%) en anticorps IgG et IgM antivirus de la FVR chez les petits ruminants domestiques vivant dans la vallée du fleuve Sénégal.
Ré-emergence de l’activité du virus de la FVR par la mise en évidence de foyers localisés dans la vallée du fleuve en 1994 et dans le Ferlo en 1999.
En octobre-décembre 1994, un foyer de FVR a été mis en évidence dans le delta du fleuve Sénégal autour de Ross-Béthio. Les caractéristiques de ce foyer sont un pourcentage de séroconversions (animal séronégatif devenant séropositif) de 32.5%, avec une séropositivité de 12.4% en anticorps IgM antivirus de la FVR et un taux d’avortement des femelles gravides de 50%.
En octobre-novembre 1999, un autre foyer est mis en évidence à Ranérou, dans le Ferlo. Les analyses faites sur un foyer d’avortement en masse des femelles gravides (80%) ont révélé une séropositivité en IgM de 60% (N=40, X=28).
Mise en évidence d’une zone de circulation enzootique du virus de la FVR autour des mares temporaires dans le Ferlo en 1993 et dans la vallée du fleuve en 1998.
En octobre 1993, le suivi sérologique (test SN, Elisa IgG/IgM) de 160 brebis appartenant à quatre troupeaux sédentaires et des captures de moustiques autour des mares temporaires dans la zone de Barkédji a abouti à l’isolement de 14 souches virales à partir de sérums de petits ruminants (une souche) et de pools de moustiques (13 souches).
Chez les petits ruminants, les isolements avaient été précédés par trois séroconversions sur 40 sérums analysés, soit 7,5% de séroconversions. Par ailleurs, les 13 souches virales ont été isolées à partir de deux espèces: Aedes vexans (10 souches) et Aedes ochraceus (trois souches). C’étaient les premières espèces de moustiques vecteurs du virus de la FVR identifiées au Sénégal.
En novembre 1998, une circulation du virus de la FVR a été détectée à Diawara par la mise en évidence d’anticorps IgM, témoins d’infection virale récente, chez les petits ruminants sentinelles (6,5 % en IgM, N= 61, X= 4) et l’isolement du virus chez les moustiques de l’espèce Culex poicilipes, capturés autour d’une mare située à la périphérie du village
Premier isolement d’une souche de virus de la FVR chez un animal en 1993 au Sénégal.
Une enquête sérologique réalisée en octobre 1993 dans le cheptel bovin du Centre de recherches zootechniques (CRZ) de Kolda, zone subguinéenne humide (1 000 mm de pluies par an) a permis:
- de montrer une forte séropositivité (17,5 % [N=80, X= 14]) en anticorps neutralisant le virus de la FVR;
- d’isoler la première souche du virus de la FVR (n° DAK An IS 106417 réf. Institut Pasteur de Dakar) d’un animal (bovin Ndama mâle de six ans) au Sénégal.
Résultats de la campagne de surveillance TCP
Rappelons tout d’abord les acquis du Programme de la FAO:
- mise en place d’un réseau fonctionnel de troupeaux sentinelles;
- établissement d’une base de données régionale;
- mise en œuvre d’un essai vaccinal sur des espèces animales locales avec la souche R566 de l’Institut Pasteur de Paris.
Les analyses des sérums récoltés lors des six missions de terrain n’ont pas révélé la présence d’IgM témoins d’une activité récente du virus. Des IgG avaient été trouvés à Mpal, Ross-Béthio, Ourossogui, Diawara et Kidira lors du premier passage.
Bien menée, la campagne de sensibilisation a abouti à:
- la formation des agents du dispositif de surveillance;
- la production et la diffusion d’un poster, d’un livret et d’une cassette vidéo;
- la diffusion d’une série d’émissions à la radio éducative rurale;
- l’organisation de réunions au niveau local par les agents de terrain.
La vigilance ainsi déclenchée tant au niveau des techniciens que des éleveurs a donné lieu à la déclaration de plusieurs foyers de suspicion de la FVR (avortements et mortinatalité). Des enquêtes de terrain et 196 prélèvements de sérums ont donc été réalisés sur huit sites de suspicion. Les résultats obtenus au laboratoire n’ont cependant pas confirmé la maladie.
Projet EMERCASE
Les résultats de l’appui du projet EMERCASE ne sont pas encore mesurables. La formation des agents du réseau à la manipulation du matériel livré vient de s’achever. La phase test vient donc à peine de démarrer
Conclusion
Depuis 198, le système de surveillance épidémiologique de la FVR n’a cessé d’être amélioré. Le programme de la FAO a permis de mettre en place un réseau de troupeaux sentinelles plus fonctionnel et un meilleur système d’information.
Désormais l’objectif “alerte précoce” semble être à portée de main, mais il reste à définir un plan d’urgence pour pouvoir atteindre l’objectif “réaction rapide”.
Les travaux de cet atelier permettront de combler ce vide et de parfaire le système. Mais d’ores et déjà il faut penser au maintien et au renforcement d’une part de la collaboration nationale entre la Direction de l’élevage, l’ISRA, lIPD, l’IRD, les services de santé et l’université et, d’autre part, de la collaboration sous-régionale avec l’option pour une stratégie sous-régionale de lutte contre la FVR. Dans ce cadre, la base de données régionale qui permet une vision plus globale de la situation devrait continuer d’être alimentée. Enfin, on attend avec un vif intérêt les résultats de l’essai vaccinal actuellement en cours qui, si les tests sont concluants, permettront de disposer d’un vaccin efficace et sûr utilisable dans les zones et les périodes à risque.